Qu’est-ce que le mouvement crip ?
Le terme “crip” provient de la réappropriation du mot anglais cripple (personne “estropiée”), historiquement utilisé de manière péjorative. À partir des années 1990, des chercheurs, artistes et personnes en situation de handicap ont commencé à l’utiliser de façon volontaire pour désigner une approche critique et culturelle du handicap.
Le mouvement crip : définition
Ce que l’on appelle aujourd’hui mouvement crip (ou crip theory) désigne un ensemble de réflexions, de productions artistiques et de travaux universitaires qui analysent les représentations du handicap, les normes corporelles et les mécanismes sociaux associés à la capacité, l’autonomie et la productivité.
Il s’inscrit dans le champ des Disability Studies, particulièrement développé dans les pays anglophones.
Origines universitaires et théoriques du mouvement crip
La crip theory s’inspire de plusieurs traditions intellectuelles :
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les cultural studies,
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les queer studies,
-
l’anthropologie du corps,
-
et certaines approches sociologiques du handicap.
Elle s’intéresse aux représentations culturelles du handicap (corps, langage, récits, normes) et à leurs effets sur la manière dont les sociétés perçoivent, catégorisent et valorisent les individus.
L’expression se développe d’abord dans le milieu académique, puis dans des pratiques artistiques et culturelles, notamment au théâtre, dans la performance, la danse ou les arts visuels.
Pour mieux comprendre, nous vous invitons à lire Charlotte Puiseux.
Vous pouvez également réécouter l’une de ses interventions sur France Culture.
Principaux thèmes et objets d’étude
Le mouvement crip explore plusieurs thématiques récurrentes :
Le corps et ses normes
Analyse des attentes sociales autour de l’apparence, de la mobilité, de l’autonomie et de la performance.
Les représentations médiatiques
Étude de la façon dont le handicap est représenté dans les films, séries, publicités ou récits.
Le langage et les catégories
Attention portée aux mots utilisés pour décrire les corps, les capacités ou les limitations.
L’expérience vécue
Prise en compte des parcours individuels, des trajectoires et des identités.
Les intersections avec d’autres dimensions identitaires
Genre, sexualité, race, âge, statut socio-économique, etc. Dans cette perspective, le handicap est compris comme un fait social et culturel, et pas uniquement comme une donnée biomédicale.
Distinction avec d’autres approches
Le mouvement crip se distingue de deux approches souvent mentionnées :
- Le modèle biomédical du handicap : centré sur la déficience, la limitation fonctionnelle et l’intervention thérapeutique.
- Le modèle social du handicap : qui considère que le handicap résulte d’un environnement matériel et organisationnel inadapté.
La crip theory reprend certains éléments du modèle social, mais se focalise davantage sur les représentations culturelles et les normes sociales, ainsi que sur l’expérience subjective du handicap.
Champ culturel et artistique
Le mouvement crip est également associé à des pratiques artistiques qui interrogent les normes corporelles.
Exemples d’approches étudiées dans la littérature :
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représentations scéniques intégrant des corps atypiques,
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performances centrées sur la motricité, la douleur ou l’expression sensorimotrice,
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œuvres explorant les dispositifs techniques (prothèses, fauteuils, etc.).
L’objectif n’est pas nécessairement pédagogique ou revendicatif ; il s’agit d’explorer des formes esthétiques et narratives alternatives à partir de la diversité corporelle.
Dans le champ des arts visuels, plusieurs artistes ont été analysés à travers des grilles de lecture associées au mouvement crip, notamment en raison de la manière dont leur œuvre interroge le corps, la norme ou la représentation de certaines limitations fonctionnelles. Frida Kahlo est souvent citée comme un exemple marquant : son œuvre fait apparaître des motifs liés à la douleur, à la transformation corporelle ou à l’immobilité, en lien avec une histoire médicale complexe. Bien que son travail précède l’émergence du terme « crip » et ne s’y rattache pas explicitement, il est parfois mobilisé pour illustrer la façon dont certaines pratiques artistiques traitent le corps non comme une déviation à corriger, mais comme un espace d’expérience, de représentation et de production symbolique. Cette perspective ouvre des pistes de dialogue entre l’histoire de l’art et les approches contemporaines des disability studies.
Terminologie, identité et langage
Le terme “crip” ne fait pas l’objet d’un usage uniforme.
Il peut désigner :
-
un champ théorique (crip theory),
-
un ensemble de pratiques culturelles,
-
ou un processus de requalification d’une catégorie historiquement négative.
Comme d’autres réappropriations terminologiques (dans d’autres domaines), l’enjeu central est la transformation du sens d’un mot anciennement stigmatisant, afin d’en modifier l’usage et la portée sociale.
Dans certaines publications, le mot est employé de manière neutre pour désigner une approche analytique ou esthétique.
Développement international et limites géographiques
Le mouvement crip s’est principalement développé :
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aux États-Unis,
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au Canada,
-
au Royaume-Uni,
via les universités, les réseaux de recherche et des lieux de diffusion culturelle.
Dans les pays francophones, son usage reste plus restreint, en partie du fait de différences terminologiques, juridiques et institutionnelles dans le champ du handicap.
Le concept est néanmoins discuté dans certaines publications académiques, séminaires ou centres de recherche.
Relation avec le validisme
Le mouvement crip est souvent étudié en lien avec le concept de validisme, qui décrit la valorisation sociale des corps perçus comme “valides”.
Cependant, la crip theory s’intéresse moins aux politiques publiques ou à l’organisation matérielle des espaces qu’à l’analyse des normes culturelles et symboliques liées à la capacité physique ou cognitive.
Le mouvement crip désigne donc un ensemble de réflexions et de pratiques, principalement universitaires et culturelles, qui analysent les représentations du handicap, les normes corporelles et les attentes sociales liées aux capacités.
Il repose sur :
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une réappropriation d’un terme historiquement péjoratif,
-
une attention aux dimensions culturelles du handicap,
-
et une exploration des manières dont les sociétés perçoivent et organisent la diversité des corps.
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