La poliomyélite : état des connaissances, enjeux actuels et perspectives d’éradication

07 décembre 2025
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La poliomyélite demeure l’une des maladies infectieuses les plus emblématiques de l’histoire de la santé publique. Longtemps responsable d’épidémies dévastatrices et de paralysies permanentes chez l’enfant, elle a presque disparu grâce aux progrès de la vaccination mondiale. Pourtant, malgré une réduction de plus de 99 % des cas depuis les années 1980, la circulation résiduelle du poliovirus rappelle que l’éradication n’est pas encore totalement acquise.

La polyomyélite : explication et nature de la maladie

La poliomyélite, souvent appelée polio, est une maladie infectieuse aiguë provoquée par le poliovirus, un entérovirus de la famille des Picornaviridae. Elle touche principalement les jeunes enfants mais peut également affecter les adultes. La majorité des infections restent silencieuses, mais le virus est redouté pour sa capacité à atteindre le système nerveux central. Lorsqu’il détruit les motoneurones, il peut entraîner une paralysie flasque irréversible et, dans les formes les plus graves, une atteinte respiratoire potentiellement fatale. Cette capacité à provoquer des séquelles permanentes explique la forte vigilance internationale autour de cette maladie.

Caractéristiques virologiques du poliovirus

Le poliovirus est un virus à ARN simple brin positif, particulièrement résistant dans l’environnement. Trois sérotypes existent (PV1, PV2 et PV3), mais seul le PV1 circule encore à l’état sauvage, les autres ayant été déclarés éradiqués. La transmission repose essentiellement sur la voie oro-fécale, notamment via l’eau contaminée ou le manque d’hygiène. Une fois dans l’organisme, le virus se multiplie intensément au niveau de l’oropharynx et de l’intestin, d’où il est excrété en quantité importante. Dans une minorité de cas, il traverse les barrières immunitaires, envahit le système nerveux et détruit les cellules responsables du mouvement volontaire. Ce tropisme neuro-invasif constitue la dimension la plus sévère de la poliomyélite.

Manifestations cliniques et formes de la maladie

La poliomyélite peut se présenter sous des formes très variées. La majorité des infections sont inapparentes et ne provoquent aucun symptôme, même si elles participent pleinement à la transmission du virus. Certaines personnes développent une forme dite abortive, ressemblant à un syndrome grippal avec fièvre, fatigue, douleurs musculaires et troubles digestifs. D’autres présentent une méningite aseptique, caractérisée par des céphalées et une raideur de nuque sans paralysie.

La forme la plus grave reste la poliomyélite paralytique. Cette évolution, rare, se traduit par une paralysie flasque généralement asymétrique et durable. Dans les cas où le tronc cérébral est touché, les fonctions respiratoires et de déglutition peuvent être compromises, entraînant un risque vital. Le tableau clinique est alors extrêmement sévère et nécessite une prise en charge immédiate en milieu spécialisé.

La vaccination, pivot historique et actuel de la lutte contre la polio

La lutte contre la poliomyélite repose essentiellement sur la vaccination. Deux grands types de vaccins ont permis de contrôler la maladie dans la quasi-totalité du monde. Le vaccin inactivé (VPI), administré par injection, confère une immunité robuste sans risque d’infection. Il est largement utilisé dans les pays industrialisés. Le vaccin oral (VPO), administré sous forme de gouttes, utilise un virus atténué capable d’induire une immunité intestinale particulièrement efficace. Ce dernier a joué un rôle déterminant dans l’interruption de la transmission, notamment dans les pays à forte densité de population. Son utilisation comporte cependant une limite rare mais bien documentée : la possibilité qu’une souche atténuée mute et génère un poliovirus dérivé du vaccin.

Situation mondiale actuelle

Depuis le lancement de l’Initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite, le nombre de cas a chuté de plus de 99 %. Les sérotypes sauvages 2 et 3 ont disparu et seules quelques zones restent endémiques pour le poliovirus de type 1, principalement en Afghanistan et au Pakistan. Malgré ces avancées exceptionnelles, des foyers de poliovirus dérivés de souches vaccinales persistent dans certaines régions à faible couverture vaccinale. Ce phénomène rappelle que la circulation virale ne cesse réellement que lorsque la population atteint un niveau d’immunité suffisant.

L’éradication se heurte aujourd’hui à plusieurs obstacles. L’instabilité politique dans certaines zones limite l’accès aux campagnes vaccinales. La méfiance vis-à-vis des vaccins et la désinformation compliquent l’adhésion des populations. Par ailleurs, des infrastructures d’assainissement insuffisantes contribuent à la persistance de la transmission oro-fécale. Enfin, la pandémie de COVID-19 a perturbé de nombreux programmes de vaccination, entraînant une baisse de couverture dans plusieurs régions.

Diagnostic et surveillance épidémiologique

Le diagnostic repose principalement sur l’isolement du poliovirus dans les selles, complété par une analyse génétique permettant de déterminer l’origine de la souche. La surveillance environnementale joue aujourd’hui un rôle essentiel, notamment dans les pays où la maladie ne circule plus cliniquement. L’analyse des eaux usées permet d’identifier une circulation virale silencieuse et d’intervenir avant l’apparition de cas paralysants. Cette stratégie complète la surveillance clinique classique et constitue un outil indispensable dans la perspective d’éradication.

Prise en charge et complications tardives

Il n’existe pas de traitement antiviral capable d’éliminer le poliovirus. La prise en charge vise donc à soutenir les fonctions vitales, réduire les séquelles et maintenir la meilleure autonomie possible. Les formes sévères peuvent nécessiter un soutien respiratoire. La rééducation fonctionnelle, l’orthopédie et la prévention des déformations constituent des volets essentiels de la prise en charge.

Certaines personnes ayant survécu à la forme paralytique développent, des années plus tard, un syndrome post-polio. Ce tableau se caractérise par une fatigue accrue, une faiblesse musculaire progressive et des douleurs articulaires. Bien qu’encore mal compris, il nécessite un suivi spécialisé et une adaptation des activités quotidiennes pour préserver la qualité de vie.

Perspectives d’éradication

L’éradication complète de la poliomyélite est considérée comme techniquement possible. Les outils scientifiques et les stratégies logistiques existent déjà. Les vaccins de nouvelle génération, notamment le nOPV2 conçu pour réduire le risque de dérivation vaccinale, offrent de nouvelles perspectives. La réussite reste cependant conditionnée à une vaccination homogène à l’échelle mondiale, à la stabilité des systèmes de santé dans les régions endémiques et à une surveillance environnementale robuste. Les experts estiment que l’éradication pourrait être atteinte dans les prochaines années si les derniers foyers de transmission sont maîtrisés.

Grâce à la vaccination, la poliomyélite est devenue une maladie rare, proche de l’éradication. Toutefois, la persistance résiduelle du poliovirus, qu’il s’agisse du virus sauvage ou de souches dérivées, rappelle que la menace n’est pas totalement éliminée. Tant qu’une transmission subsistera quelque part dans le monde, aucun pays ne pourra se considérer entièrement protégé. Le maintien d’une couverture vaccinale élevée, le renforcement de la surveillance et la poursuite coordonnée des efforts internationaux demeurent essentiels pour transformer ce succès sanitaire en victoire définitive.

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