La Convention relative aux droits des personnes en situation de handicap : un cadre international pour l’égalité
Adoptée le 13 décembre 2006 par l’Assemblée générale des Nations Unies et entrée en vigueur en 2008, la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH) constitue une avancée majeure dans le droit international. Il s’agit du premier traité international consacré spécifiquement aux droits des personnes en situation de handicap, mais aussi du premier traité des droits humains du XXIᵉ siècle. Elle pose un cadre juridique contraignant pour garantir les droits fondamentaux de plus d’un milliard de personnes en situation de handicap dans le monde.
La Convention marque un changement de paradigme : le handicap n’est plus envisagé comme une déficience individuelle à corriger, mais comme le résultat d’un environnement inadapté, générateur d’exclusion.
CIDPH : une évolution historique majeure
Avant la Convention, les politiques liées au handicap étaient centrées sur :
- la réparation des déficiences,
- la prise en charge médicale,
- la charité,
- ou la réinsertion individuelle.
Cette approche plaçait la responsabilité du handicap sur la personne, plutôt que sur la société et ses barrières.
Dans les années 1990, un mouvement international se structure autour d’une idée clé : le handicap est une question de droits humains, et son traitement relève de la justice sociale, non de l’assistance.
La Convention est l’aboutissement d’un processus de négociation inédit, intégrant États, experts, et surtout organisations de personnes en situation de handicap elles-mêmes. Une innovation démocratique majeure.
Objectifs et philosophie générale
La Convention vise à :
- promouvoir, protéger et assurer la pleine jouissance des droits humains,
- garantir l’égalité des chances,
- lutter contre la discrimination,
- et assurer la participation effective à la société.
Elle ne crée pas de nouveaux droits, mais interprète les droits existants pour les rendre effectifs dans le contexte du handicap.
Le texte s’inscrit dans la logique du modèle social et de la participation citoyenne, en opposition au modèle biomédical traditionnel.
Les principes généraux (Article 3)
Huit principes stratégiques traversent l’ensemble du texte :
- Dignité, autonomie, liberté de choix
- Non-discrimination
- Participation et inclusion
- Respect de la différence
- Égalité des chances
- Accessibilité
- Égalité femmes-hommes
- Respect des capacités et de l’identité de l’enfant
Ces principes confirment que le handicap n’est pas seulement une question d’accès, mais une question de citoyenneté, d’égalité et de dignité humaine.
Architecture du texte et obligations des États
La Convention impose aux États parties une obligation de transformation systémique, avec plusieurs axes structurants.
a) Lutte contre la discrimination (Article 5)
Les États doivent adopter des politiques visant à :
- interdire toutes les formes de discrimination,
- promouvoir l’égalité devant la loi,
- prévoir des aménagements raisonnables.
b) Accessibilité (Article 9)
L’accessibilité devient une obligation juridique touchant :
- les infrastructures,
- les transports,
- les technologies,
- l’information,
- la communication.
L’objectif est de permettre une participation à égalité de droits.
c) Droit à la vie autonome (Article 19)
La Convention consacre le droit de :
- choisir son lieu de vie,
- bénéficier d’un accompagnement,
- et participer à la vie communautaire.
Ce principe rompt avec les logiques d’institutionnalisation forcée.
d) Éducation inclusive (Article 24)
L’éducation inclusive est consacrée comme un droit fondamental.
Les États doivent assurer :
- des systèmes inclusifs,
- l’accès à la scolarité ordinaire,
- des adaptations et accompagnements.
L’objectif est l’inclusion, non l’intégration conditionnelle.
e) Travail et emploi (Article 27)
La Convention impose :
- l’accès à l’emploi,
- l’interdiction des discriminations,
- des aménagements raisonnables,
- des politiques actives d’emploi.
Elle reconnaît le droit au travail sur un pied d’égalité avec les autres.
f) Accès à la justice (Article 13)
Les États doivent garantir :
- l’accès aux procédures juridiques,
- des aménagements procéduraux,
- la formation des acteurs judiciaires.
Le handicap ne peut justifier une privation de capacité juridique.
Capacité juridique et prise de décision (Article 12)
L’article 12 est l’un des plus innovants et débattus.
Il affirme que les personnes en situation de handicap ont une capacité juridique sur un pied d’égalité avec les autres, y compris en matière :
- de biens,
- de contrats,
- de justice,
- de vie familiale.
Il remet en cause les régimes de substitution de décision et promeut des mécanismes de prise de décision assistée.
Ce principe remet en cause des siècles de pratiques tutélaires.
Données, statistiques et suivi (Article 31)
Les États doivent produire des données statistiques et de recherche pour :
- identifier les discriminations,
- suivre les progrès,
- guider les politiques publiques.
La production de données n’est pas un outil technique : c’est une obligation politique.
Mise en œuvre, suivi et contrôle international (Articles 33 et 34)
Chaque État partie doit :
- établir un mécanisme national de suivi,
- associer les organisations représentatives,
- faire rapport régulièrement au Comité des droits des personnes handicapées.
Le Comité examine les rapports, émet des recommandations, et formule des observations générales.
Il ne peut pas sanctionner, mais il exerce une pression normative, politique et diplomatique.
Le Protocole facultatif
Un Protocole facultatif à la Convention instaure des mécanismes de recours individuels et de procédures d’enquête en cas de violations graves et systématiques.
Il constitue un outil central d’effectivité, mais son fonctionnement détaillé peut faire l’objet d’un article à part entière.
Ratification et portée internationale
La Convention a été ouverte à la signature le 30 mars 2007, avec 164 signataires.
Pour la France :
- Signature de la Convention : 30 mars 2007
- Signature du Protocole : 23 septembre 2008
- Entrée en vigueur : 20 mars 2010
La ratification engage juridiquement l’État à adapter son droit, ses politiques et ses institutions.
Un instrument transformateur
La Convention a transformé la manière dont le handicap est compris et régulé, en imposant :
- l’accessibilité comme droit,
- l’inclusion comme norme,
- l’autodétermination comme principe,
- et la participation comme obligation.
Elle marque le passage d’un modèle de prise en charge à un modèle de droits, de libertés et d’égalité réelle.
La Convention relative aux droits des personnes en situation de handicap est aujourd’hui un pilier central du droit international des droits humains. Elle redéfinit le handicap comme une construction sociale, impose aux États des obligations contraignantes, consacre des droits transversaux, et vise une transformation des environnements, des politiques et des pratiques. Elle constitue un cadre global de transformation sociale, dont la portée continue de structurer les politiques publiques, les pratiques professionnelles et les normes sociétales à l’échelle mondiale.
La journée du 3 décembre constitue un rappel annule de ces engagements : elle met en lumière les avancées permises par la Convention, mais aussi les défis persistants qui freinent l’accès effectif aux droits et à l’inclusion.
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