Critères ESG et accessibilité : intégrer l’inclusion dans la performance extra-financière
L’évaluation de la performance extra-financière des entreprises repose de plus en plus sur les critères ESG — Environnement, Social et Gouvernance.
Longtemps centrés sur la transition écologique et la transparence éthique, ces indicateurs s’ouvrent désormais à une dimension trop souvent négligée : l’accessibilité universelle.
Parce qu’elle touche à la fois au respect des droits humains, à la qualité de vie au travail et à la gouvernance inclusive, l’accessibilité constitue un levier stratégique d’impact et de performance durable.
Les critères ESG : cadre et finalité
Comprendre les trois piliers de la performance durable
Le concept ESG (Environnement, Social, Gouvernance) est né pour évaluer la capacité d’une organisation à générer de la valeur à long terme au-delà de ses résultats financiers.
Chacun de ces piliers se décline en indicateurs observables :
- Environnement (E) : gestion des ressources, émissions, énergie, empreinte carbone ;
- Social (S) : conditions de travail, égalité, diversité, inclusion, santé et sécurité ;
- Gouvernance (G) : transparence, éthique, composition du conseil d’administration, dialogue avec les parties prenantes.
Vers une approche intégrée de la responsabilité
Les critères ESG sont plus qu’une grille d’évaluation : ils structurent la stratégie d’entreprise.
Ils orientent les politiques d’investissement, les rapports de durabilité (CSRD) et la communication extra-financière.
L’intégration de l’accessibilité dans ce cadre permet de relier la performance sociale et la gouvernance inclusive à des indicateurs mesurables et audités.
L’accessibilité, un angle mort du pilier social
Un enjeu d’inclusion universelle encore sous-valorisé
L’accessibilité est souvent perçue comme une contrainte réglementaire, alors qu’elle représente un indicateur central du pilier social.
Elle renvoie à la capacité d’une organisation à créer des environnements, produits et services utilisables par tous, quelles que soient les capacités physiques, sensorielles ou cognitives.
Ignorer cet aspect revient à exclure une partie des parties prenantes – collaborateurs, clients, partenaires – du champ d’action de l’entreprise.
Des obligations qui deviennent des leviers de performance
La loi du 11 février 2005 et l’arrêté du 8 décembre 2014 imposent des standards d’accessibilité dans les ERP, les outils numériques et les espaces de travail.
Mais au-delà de la conformité, la prise en compte proactive de ces enjeux permet d’améliorer la satisfaction des utilisateurs, la fidélisation et l’attractivité de la marque employeur.
Autrement dit, ce qui est juridiquement requis devient un facteur de différenciation concurrentielle.
L’accessibilité dans le reporting extra-financier
Un indicateur transversal du pilier « S »
Le reporting ESG, désormais encadré par la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), impose une transparence accrue sur les politiques sociales et de diversité.
L’accessibilité peut y être intégrée sous différents angles :
- accessibilité des bâtiments,
- accessibilité numérique,
- accessibilité des processus RH (recrutement, formation, carrière),
accessibilité de la communication interne et externe.
Ces éléments traduisent la capacité de l’entreprise à garantir l’égalité d’accès à l’emploi, à l’information et aux services.
Des indicateurs encore émergents mais mesurables
Pour les auditeurs et investisseurs, la difficulté réside dans la quantification.
Il s’agit d’objectiver les progrès à travers des indicateurs tels que :
- le taux d’accessibilité des sites et applications,
- le nombre d’espaces de travail conformes,
- la part du budget RSE consacrée à l’inclusion.
Ces données permettent d’évaluer l’efficacité réelle des politiques sociales, au-delà des engagements déclaratifs.
Accessibilité et gouvernance : un enjeu stratégique
L’importance du pilotage par la direction
L’accessibilité ne peut être portée uniquement par les services techniques ou RH : elle relève d’une décision stratégique.
Sa gouvernance doit être assurée par une instance identifiée (comité RSE, direction de la conformité, référent handicap ou accessibilité).
L’intégration de l’accessibilité dans les chartes de gouvernance traduit une volonté de cohérence entre les valeurs affichées et la réalité opérationnelle.
Un signal fort pour les parties prenantes et les investisseurs
Les agences de notation ESG valorisent les organisations capables de démontrer une approche holistique de l’inclusion.
Mentionner explicitement l’accessibilité dans le rapport de durabilité, dans les politiques internes et dans la chaîne de valeur constitue un signal de maturité organisationnelle.
Cette intégration renforce la crédibilité et la réputation de l’entreprise auprès des investisseurs, des pouvoirs publics et du grand public.
L’accessibilité numérique : pilier émergent du « S » et du « G »
De la conformité technique à la culture inclusive
L’accessibilité numérique est devenue une composante essentielle de la responsabilité sociale et de la gouvernance.
Elle concerne les sites web, intranets, logiciels, applications mobiles, et tout support digital utilisé par les salariés ou les clients.
Conformément au référentiel RGAA (Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité), les entreprises doivent garantir que leurs interfaces soient utilisables par tous, y compris les personnes en situation de handicap.
Un enjeu d’équité informationnelle et de réputation
Rendre un site ou un outil numérique accessible ne relève plus uniquement du domaine technique.
C’est une démarche d’équité informationnelle : permettre à tous les usagers d’accéder aux mêmes contenus dans les mêmes conditions.
Un manquement à ce principe peut désormais impacter la notation ESG d’une organisation, notamment au titre du respect des droits fondamentaux et de la transparence.
Intégrer l’accessibilité dans les indicateurs ESG
Mesurer la performance inclusive
L’enjeu principal consiste à traduire les principes d’accessibilité en indicateurs mesurables.
Parmi les plus pertinents :
- taux de conformité des locaux et outils numériques ;
- pourcentage de collaborateurs formés à la culture de l’accessibilité ;
- part du budget dédiée à l’adaptation des environnements ;
- taux de satisfaction des utilisateurs à besoins spécifiques.
Ces données peuvent être intégrées dans les bilans sociaux et les rapports de durabilité.
Vers une notation ESG plus sensible à l’inclusion
Certaines agences de notation commencent à inclure des critères liés à l’accessibilité dans leurs grilles d’évaluation du pilier « S ».
Cette évolution traduit une reconnaissance de l’accessibilité comme facteur de résilience, de performance sociale et de gouvernance responsable.
L’accessibilité s’impose aujourd’hui comme un champ légitime et stratégique d’évaluation dans les critères ESG.
Elle relie la performance sociale à la gouvernance inclusive, tout en consolidant la crédibilité des engagements environnementaux et éthiques.
Intégrer l’accessibilité dans les politiques ESG, c’est dépasser la logique de conformité pour construire un modèle durable, où la responsabilité s’incarne dans la conception même des espaces, des outils et des décisions.